Encore à poils
dimanche 27/02/2005
Et ils sont devenus quoi les jeunes là qu’avaient posé nus ? Bah plein de choses : Trouble(s), une revue trimestrielle qui sort quand on peut la payer, Poing à la ligne, un festival de libre expression jeune, un blog régulier sur notre site…
Pourtant, d’années en années, ce qui reste, ce dont les médias parlent, ce que les gens retiennent, c’est toujours ce fameux numéro deux de Ravaillac, consacré aux sexualités, où on montraient nos culs (ou plutôt nos sexes) pour se les réapproprier, pour marquer notre refus de la pudeur, pour interroger les lycéens et les autres. D’un côté c’est très agréable de constater que le geste n’était pas si anodin, qu’à défaut de vêtements les idées que nous portions continuent à être diffusées, qu’à notre corps défendant nous avons marqué les esprits… Hors de question de renier cette couverture et son contenu. Nous assumons et c’est pour cela que nous continuons à accepter d’en retracer l’histoire à chaque fois qu’on nous le demande. D’un autre côté, quelle frustration de voir que tout ce qu’on a fait depuis, pourtant dans le droit fil de Ravaillac, ne rencontre pas le même écho.
Warhol s’est trompé. Il n’y a pas un quart d’heure de célébrité. Il y a un quart d’heure dont les échos se prolongent toute la vie, de plus en plus faibles mais réguliers. Ce qui est peut-être pire. Toutes les quelques semaines, un journal, une télé, une radio, nous contacte pour reparler de Ravaillac, avec les mêmes mots, les mêmes questions / réponses. Ne crachons pas dans la soupe, non seulement nous sommes ravis de pouvoir continuer à faire vivre l’esprit du journal lycéen, mais une grande partie des journalistes que nous rencontrons font très convenablement leur travail et il est rare que nous ne reconnaissions pas nos propos dans les sujets diffusés. Il faut pourtant se résigner : toute notre vie nous serons lycéens, sollicités sans cesse pour parler du même événement vieux de trois ans mais éconduits dès que l’on souhaite faire connaître nos nombreuses activités éditoriales postérieures. Les médias ont la mémoire sélective ce qui fait un bon sujet c’est ce que le public connaît déjà comme si la dangerosité, la charge subversive, était ainsi désamorcée par l’infinie répétition des mêmes figures. Espérons qu’il en soit autrement et qu’au contraire cet écho prolongé fasse éclore des dizaines de Ravaillac dans les bahuts, attise l’envie de révolution toute nue, et nous permette un jour d’enfin parler d’autre chose.