Le meilleur tract du 1 mai
mercredi 04/05/2005
Et oui, il fallait bien qu’on en fasse quelque chose de ce 1er mai ennuyeux à mourir. Personne, les vacances faisant fuir les militants, des cortèges mous pour la plupart, à peine trois Trouble(s) vendus, nous nous devions pour ne pas sombrer dans le désespoir trouver le truc qui pourrait rendre utile cette journée à se fatiguer les jambes bêtement. Le salut vint d’un ami d’Afrique XX1 revenu récemment du Togo où il a slalomé entre les balles des militaires. Grand collectionneur névrotique dans l’âme, il a une passion pour les tracts. M’exhibant ses prises de la journée, il me montra plus particulièrement son Graal, le meilleur papier de la journée, si ce n’est de l’année. Instantanément, je sus que cet objet ferait de mon 1er mai un dimanche réussie. Je voulu donc me le procurer à l’instant, chose à laquelle je parvins sans mal contre une promesse dont je vais m’acquitter à l’instant : vous voulez savoir ce qui se passe réellement au Togo, aller donc sur le site http://soutientogo.org (voilà André, j’ai fais ma part).
Intéressons-nous maintenant au tract.
Ah, quelle merveille ! Le sentier lumineux, secte de maboules péruviens, n’en finira jamais de me faire rire et rêver. Car dans quelle dimension doivent être partis ces gens pour écrire de telles choses. Et encore, vous n’avez que la première page, les trois suivantes sont encore mieux. Tenez, quelques morceaux choisis.
D’abord, comme dans toute feuille de chou marxiste-léniniste, le programme, joyeux et débonnaire comme vous allez le constater : « L’avenir est brillant ! Mais en tant que marxistes-léninistes-maoïstes, pensée gonzalo, nous savons que (…) sans des partis Communistes sans des Partis marxistes-léninistes-maoïstes militarisés, dotés d’une Direction en Chef basée sur l’application de notre idéologie universelle à chaque révolution, moyennant la guerre populaire en tant que plus haute théorie militaire su prolétariat et forme principale de lutte, nous ne pouvons pas avancer avec la révolution démocratique. » C’est beau comme du Verlaine sous ecsta.
Notez les majuscules à « Direction » et « Chef » reproduites du texte original. Car, comme diraient nos charmants révolutionnaires andins, pas de révolution sans chef ne fait pas fureur (merci Coluche) : « Le Président Gonzalo est celui qui a défini le maoïsme en tant que troisième étape, nouvelle et supérieure du marxisme, en l’appliquant à la révolution péruvienne de manière créatrice (…) ainsi concrétisant la pensée gonzalo, la toute-puissante idéologie qui guide notre parti et notre révolution. » accrochez-vous pour la suite, ça se corse « Il est le Dirigeant en Chef du Parti et de la révolution » quel style !!!! « il est le plus grand marxiste-léniniste-maoïste vivant sur la face de la terre, éducateur de communiste » rôle qu’on lui laissera sans problème.
Mais attention, si Gonzalo Guzman (son deuxième nom) à que c’est le patron, critiquer Gonzalo, ah que c’est critiquer la révolution. Et comme pour Jésus dans la Bible, ce magnifique roman, le tract du Sentier Lumineux fait monter le suspens d’un cran. C’est qu’il y a tenez-vous bien- un Judas dans leur rang : « Il est également nécessaire de rejeter et condamner les noires positions révisionnistes exprimées dans le Comité du Mouvement Révolutionnaire Internationaliste (CoMRI) et, principalement, par le pseudo parti révisionniste PCR… » Ah, n’en jeter plus… c’est trop beau. Mais le meilleur est pour la fin… « Nous répétons encore une fois notre plus solennelle salutation à notre classe, le prolétariat international, et nous faisons aussi parvenir nos salutations révolutionnaires au mouvement communiste international et, à l’intérieur de lui, au Mouvement Révolutionnaire Internationaliste (MRI) un pas en avant pour la réunification des communistes au niveau mondial - pourvu qu'il suit une ligne idéologique et politique juste et correcte - . Nous exprimons notre conviction que le maoïsme est en train de s'incarner dans les peuples du monde, et qu'il va s'imposer en tant que seul commandement et guide de ta révolution prolétarienne mondiale (…) jusqu'à notre but final, l'âge d'or du Communisme. »
Quelle conclusion wagnérienne !!! En fait, je suis heureux que le Pérou, cette grande nation révolutionnaire, importe en France autre chose que des joueurs de flûte de pan qui nous casse les oreilles dans le métro. Á moins que, ô pensée Troublante(s), ces spécialistes des mélodies en sous sol soient en fait l’avant garde sous couverture du Sentier Lumineux. Une enquête prochaine de votre revue préférée tentera de percer ce mystère. Mais le plus extraordinaire c’est que les prétentions universalistes de la Voie Eclairée (je dis ça pour éviter les répétitions) sont en passe d’aboutir. Car autant que je m’en souvienne, ils font toujours fait rire tout le monde (à part les quelques résidus de maoïstes français qui les rejoignent côté scène). Dans mes jeunes années militantes, nous avions au SCALP et à la CNT, une reprise de Bioman inspirée des exploits de Gonzalo Guzman.
« Moitié Marx et moitié Mao
C’est le président Gonzalo
Guz-man
Guz-man
Héros des prolétaires »
Hier encore, des copains de la SAC (un syndicat suédois) me racontaient en trépignant que chez eux aussi les gonzalos boyz étaient présents, pour la plus grande joie des petits et des grands. Pareil pour l’Espagne et l’Italie. Á bien y réfléchir, Gonzalo ne s’est pas trompé de carrière ; eut-il voulu devenir comique (du genre « vous connaissez la blague du belge et du lama ») qu’il eut été moins drôle et rendu moins de services à ses compatriotes. Ceux-ci, j’en suis sûr, sont heureux d’avoir à subir les assauts de la guérilla la plus clownesque de la planète grâce à laquelle des générations entières de militants aussi nuls en géographie qu’en gestion des flux boursiers ont pu situer le Pérou, patrie du président Gonzalo…
GN