L’oubli
dimanche 27/03/2005

« La guerre d’Algérie fut une guerre coloniale. En tant que telle, elle opposa une population majoritaire presque sans droits, rabaissée plus bas que terre, à une métropole et ses colons, prêts à tout pour garder leurs privilèges. Arrestations arbitraires, déportations massives, camps d’internements, tortures, massacres, l’état français, via son armée et sa police, ne recula devant rien pour défendre ses intérêts. Ce passé est encore méconnu en France notamment parce qu’aucun gouvernement n’a eu le courage d’assumer un héritage aussi lourd. Malheureusement, une telle politique d’oubli ne peut mener au mieux qu’à l’incompréhension et ou au pire à la répétition des crimes racistes qui ont scandés l’histoire de l’Algérie française. »

Pur rhétorique, nous dira-t-on ; à voir lorsqu’on regarde l’actualité de ces derniers jours. D’abord, ce sont les Saints Cyriens qui demande, dans leur feuille de chou le « casoar » (du nom du pot de chambre à plumeau qu’ils portent sur la tête) qui se demande s’il ne faudra pas trouver un cadre légal pour l’application de la torture. Le lien direct avec l’Algérie ? Simple ; depuis cinquante ans on nous bassine sur le fait que la question (pardon, les interrogatoires poussés) a été appliquer pour stopper les vagues terroristes qui frappait en 1956-1957 Alger. C’est vite oublier que, dés les le dix neuvième siècle, la torture a fait partie du quotidien de la répression des colonisés et qu’en 1900 déjà, un député s’émouvait de ces pratiques à la chambre (voir à ce sujet l’article d’Alain Ruscio paru dans le Monde Diplo et reproduit à l’adresse suivante http://www.ldhtoulon.net/article.php3?id_article=455).

On a beau cracher (et à juste titre) sur ce que fait l’armée US et Irak et ailleurs, il est à noter que certains de leurs soldats ont déjà été condamnés pour des sévices qu’ils ont infligé à des détenus d’Abou Graib. Certes, ce sont des lampistes, leur peines sont légères et les officiers en charge ont été épargné, mais comparons avec la situation française. Pas un soldat, fut-il deuxième classe, n’a été inquiété pour ce qui a été fait durant la guerre d’Algérie (qui tombe sous le coup d’une loi d’amnistie), en Indochine, à Magadascar. Mieux, les officiers ont tous été promus. Le meilleur exemple de cela reste le général Schmitt qui, de lieutenant, accusé d’avoir été un tortionnaire durant la bataille d’Alger (voir le Monde du 18 mars 2005), a fini chef d’état major inter armées sous Mitterrand ou Chichi.

Mais le plus grave n’est pas dans le délire fascisant d’une bande d’apprentis kaki où dans le déni continuel d’un ancien de la coloniale qui a grimpé dans les sphères du pouvoir. Car le principal coupable dans l’affaire n’est autre que l’état français qui persiste et signe dans son délire colonialiste. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder la loi du 23 février 2005 " portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ”. Son article 4 dispose : «  Les programmes de recherche universitaire accordent à l'histoire de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, la place qu'elle mérite.

Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer (souligné par nous), notamment en Afrique du Nord, et accordent à l'histoire et aux sacrifices des combattants de l'armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit. »

L’idée générale est claire. La répression, la ségrégation, les massacre, tout cela n’a mené qu’à une avancé positive de l’histoire. Qu’on se le dise et qu’on continue. Dans les cités, dans les banlieues, ignorons le passif qu’éprouvent les citoyen(ne)s issu(e)s de l’immigration et continuons à leur envoyer la police pour leur faire comprendre ce que leur situation a de positif. Il m’a été dit récemment que reparler de l’histoire n’était, dans la « stratégie militante », pas une priorité. C’est vrai, mieux vaut laisser pourrir la situation en l’état et creuser des fossés entre les pros de la « stratégie militante » et ceux à qui ont refuse de reconnaître le passé. Cela donne des incompréhensions comme dans les manifs lycéennes, où d’un coté il y a des syndicalistes lycéens qui dénoncent en chœur avec TF1 les « casseurs » et de l’autre des lascars qui n’ont plus que la rage au ventre.

Résorber ces plaies prendra du temps, et il faudra d’abord commencer à comprendre qu’elles existent. Cela débute par connaître l’histoire et la réalité du colonialisme. Alors, si vous n'avez rien à faire les soirs du 29 mars et du 4 avril… venez recoller les morceaux de notre passé.

29 mars 2005
Débat sur les crimes d'états à Paris 1 - Tolbiac  (centre PMF, 90 rue de Tolbiac M° Tolbiac  ou Bibiothèque) le 29 mars à 18H amphi I. En présence de Maurice Rajfus, J-L Einaudi et Nils  Andersson).

4 avril 2005
Projection du filme La question suivie d'un débat  avec Henri Alleg le 4 avril à 18H30 à l'institut  Michelet, 5 rue Michelet RER Luxembourg  ou Port Royal.