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sommaire / Trouble(s) n°2 / territoires
Sexualités
Hétérotopies
Quand on arrive en ville
Par manque de moyens ou absence d'intérêt, personne ne travaille aujourd'hui en France sur l'histoire et les fonctions des territoires homosexuels, comme a pu le faire George Chauncey à propos de New York. Pourtant ces lieux ont formé la mémoire des communautés gays et lesbiennes et continuent de forger en grande partie leurs identités. C'est pourquoi nous avons choisi de revenir sur la structure de quelques uns d'entre eux. Il ne s'agit pas d'établir une topographie exacte ni une histoire exhaustive, mais de voir comment, à travers certaines territorialisations, s'élaborent des constructions identitaires et des stratégies politiques collectives.
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Enquête du Satrape rôdeur et Mme Patate.
La plage lesbienne d’Eressos et les politiques de l’espace à Lesbos
San Francisco n’est pas Eressos. A l’ouest lointain, un espace urbain américain. Jouxtant les côtes turques, un petit village grec dans les hauteurs qui n’a plus besoin de se protéger des pirates venant de la mer, relié par une route à la plage d’en bas (Skala Eressos). Qu’est-ce qui sépare ou rapproche ces deux mecques lesbiennes issues de la modernité ? Est-il impossible de trouver à Eressos, depuis que l’île est régulièrement envahie par les lesbiennes européennes, ce que Gayle Rubin trouve dans la vallée des gays américains: une re-territorialisation réussie, une “ sexoethnogénèse ” au nez et à la barbe de Lévi Strauss, une restratification sexualo-sociale éphémère, heureuse et internationale ?
Tribune de Marie-Hélène Bourcier, sociologue.
Space Invaders
“ Il n’y a pas d’espaces, dans une société hiérarchisée, qui ne soit pas hiérarchisé et n’exprime pas les hiérarchies ” disait Pierre Bourdieu (1). Or le régime hétérosexuel, qui hiérarchise l'espace public dans son ensemble, produit à la fois un système d'oppression et les stratégies qui permettent de lui résister. La queerisation de l'espace est l'une de ces stratégies. Elle s'effectue selon deux axes qui se relayent sans cesse.
Par Mme Patate.
Mixité et espace public, ou la femme invisible
Une manière pour les dominants d’asseoir leur domination est de s’approprier l’espace, de l’organiser, le cloisonner, le contrôler. Mais la question de l'ouverture des frontières de l'appropriation du territoire est rarement traitée d’un point de vue féministe. La liberté de circulation est pourtant une revendication des femmes et des lesbiennes depuis longtemps. Sortir du territoire balisé, emprunter l’espace “ mixte ”, notamment la nuit, c’est se confronter à une série d’obstacles, à la violence. Nous verrons que ces entraves à la socialisation et circulation des femmes sont autant reconnues, voire légales, que culturelles, intériorisées par touTEs.
Tribune de Sarah Fernandez, membre des Furieuses Fallopes.
Il y a une résistance énorme en matière d’acceptation des transgenres
“ Bienvenue dans la révolution des genres ! ” C'est sur ces mots que se termine Le mouvement transgenre, changer de sexe, Epel, 2003, de Pat Califia, lesbienne SM devenue transgenre. La question du genre interroge de nombreux domaines. Qu'il s'agisse de la médecine ou des mouvements essentialistes gay et lesbien, personne ne peut se permettre de faire l'économie de cette réflexion. Où commence et où s'arrête le rôle du médecin ? Comment une communauté sexuelle peut-elle se construire en prenant en compte cette nouvelle conception du genre ? Portée par le mouvement transgenre, celle-ci vient retracer de nombreuses frontières, non sans rencontrer de fortes résistances. A l'occasion de la sortie de son livre en France, nous avons rencontré Pat Califia qui a accepté de revenir sur la construction du mouvement transgenre, ses effets, ses luttes.
Entretien réalisé par Mme Patate et Le Satrape rôdeur.
D’une pierre deux coups
“ De dos, déjà. Quand il est entré dans la pièce et qu'il a vu son dos. Un dos pas comme les autres, qui l’a un peu remué. Et puis la nonchalance du coude droit posé sur le dossier de la chaise, la tête légèrement penchée vers la main, les cheveux qui s’étalent sur l’épaule et qu’elle enroule vaguement sur ses doigts. Les jambes croisées, bien sûr, avec la jambe du dessus qui bat un peu nerveusement celle du dessous. L’air rêveur, ce qu’on a moins l’habitude de voir dans le bureau d’un commissaire. ”
Nouvelle de la Cane hardeuse.
Les claquettes dans le placard
Film de 1935, produit par la RKO et réalisé par Mark Sandrich sur une chorégraphie de Hermes Pan, Top Hat est probablement la meilleure comédie musicale du duo Fred Astaire / Ginger Rogers. Profitons de sa ressortie en DVD pour s'assurer que c'est en tout cas leur film le plus camp, où les moments dialogués, chantés et dansés concourent à l'invention de territoires sociaux et sexuels nouveaux, redistribuant genres et sexes selon d'impromptus flux de désir.
Par Le Satrape rôdeur.
Politiques
Territoires en lutte
Chercheur dors !
Evoluant dans un territoire marqué par une très faible politisation et une non moins faible syndicalisation, le corps professionnel des chercheurs s’était jusqu’à présent illustré par une forte propension à tout accepter sans rien dire. Le mouvement démarré en novembre dernier est sans précédents, de par le succès qu’a connu la mobilisation et le fait qu’elle parte d’en haut preuves indiscutables du caractère particulièrement alarmant de la situation.
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Enquête de la Cane hardeuse et Beauté nébreuse.
Usines
Argentine, septembre 2003, période d’élections des gouverneurs de provinces, enjeux politiques importants. Si un an et demi est passé depuis les émeutes du 19 et 20 décembre 2001 (1), le cri “ Que se vayan todos ! ” (2) n’est pas oublié, il rythme encore les pas du passant porteño (3), trace indélébile sur les murs de la ville. Malgré les apparences, tout est loin d’être réglé : plus de 15 millions de personnes vivent toujours sous le seuil de pauvreté. Cependant, les expériences alternatives, nées en réaction au chaos économique, ne se sont pas éteintes non plus. Les assemblées de quartier sont encore présentes, les infrastructures locales de type collectif, cantines, centres culturels, salles d’informatique, cimentent toujours l’identité des quartiers. Mais il est un phénomène qui, loin de disparaître, poursuit lentement sa progression : les récupérations d’entreprises par leurs ouvriers. Reportage dans trois d'entre elles.
Reportage d'Aurélien Caillaux.
Vu du remblai
Le mot pays revient. On dit aussi c'est un pays, en guise de représentation ou d'excuse. On dit, on disait le mal du pays et en mal de région la régionalisation parle de pays ou de vin de pays. C'est bon pour les associations. Le mot pays, ça défend des valeurs. Le pays pour le Pays c'est comme le quartier pour la ville, la politique du quartier : projet de quartier. A Paris, mon pays, il y a des arrondissements avec un chiffre et dans chaque arrondissement des quartiers aux noms de fleur ou de saint. Chaque quartier a son commissariat. C'est comme ça qu'il est défini. Le pays, comme le quartier, ça parle des racines, du passé : des bons jeux, des bons coups ou des rafles, ça parle sentiment.Tribune de Guy Naizot, architecte et urbaniste.
Trashgender
Bien avant les frontières nationales, des milliers de frontières du genre, diffuses et tentaculaires, segmentent chaque mètre carré de l'espace qui nous entoure. Là ou l'architecture semble être simplement au service des besoins naturels les plus élémentaires (dormir, manger, chier, pisser) ses portes et fenêtres, ses murs et ouvertures, en régulant le passage et le regard, opèrent silencieusement comme la plus discrète et effective technologie du genre.
Tribune de Béatriz Preciado, philosophe.
Pas dans mon XVIème
Par Alban Lécuyer.
C'était l'année du bac
Je me souviens d’une soirée d’été 1977. Je l’avais passée accoudé à la fenêtre de la cuisine, bercé pendant des heures par le bruissement de la rue. La rumeur de la ville, mêlée à l’écho des téléviseurs, me parvenait d’en bas, étouffée par douze étages successifs, empilés et formant tour. Il faisait bon. De fait, ma vue portait loin, bien au dessus des petits immeubles qui me faisaient face, même jusqu’au supermarché de Grigny. Le temps semblait suspendu dans ce court moment. J’avais mon bac en poche, sans y avoir trop cru, avec le maximum de points à rattraper à l’oral. Michel Foucault m’avait repêché, sauvé de cette épreuve, aidé à poser le pied sur cette rive adulte que dès septembre j’aborderais comme étudiant. C’était la fin d’un cycle ; celui qui s’annonçait débutait par deux événements :
Le 30 juillet je me rendrais à la manifestation anti-nucléaire de Creys-Malville.
Je passerai ensuite mes vacances seul avec deux accortes jeunes femmes.
Par Jean-Suï Cannaye.
La chute du faucon noir, l’anti-Vietnam
Sorti il y a déjà quelques années, La chute du faucon noir fait aujourd’hui involontairement écho à l’actualité. (Re)voir ce film de propagande permet de mieux comprendre comment se voit l’Amérique militariste et quelle relation elle entretient aux territoires qu’elle occupe.
Par G. Noir.
Cultures
Les règles de l’art
Hors d’œuvre
Le rendu des territoires dans les œuvres artistiques ne se résume pas aux traitements de la perspective, mais interroge le rapport entre premier et deuxième plan, les techniques utilisées pour rendre cet espace profond, dense, etc. La surface du support employé peut s’utiliser de diverses manières, ce qui dépend de multiples facteurs tels la nature de l’auteur, sa psychologie, mais aussi la mode ou les besoins de l’époque. Parmi cette multitude de traitements, piochons en trois : la superposition des plans, la densification du deuxième plan, la réunification des plans…
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Par Joseph S.
Expôts-au-feu
Plus qu'un simple espace, le musée est un territoire : s'y exercent fortement, en effet, une autorité et un corpus de règles qui régulent la disposition des œuvres, la circulation des spectateurs et les fonctions muséales elles-mêmes. Qu'elles soient du fait des conservateurs ou de dispositifs politiques, ces règles reflètent la manière dont la société se donne à voir. De nouvelles pratiques muséologiques ou artistiques paraissent néanmoins susceptibles de libérer le territoire muséal de ce carcan.
Par Joseph S. et Le Satrape rôdeur.
Friches & chips
S’est constituée une certaine mythologie autour des friches, dont l’origine est indéniablement à chercher du côté des années 70, et qui les présente comme des lieux militants, subversifs, propices à “ l’expérimentation artistique et sociale ”. Ce qui pouvait être vrai dans le passé, semble moins pertinent aujourd’hui. Cette mythologie, parce qu’elle participe au maintien du fossé entre discours et pratiques au sein des friches culturelles, est à interroger.
Enquête de Beauté nébreuse et Mme Patate.
(Re)faire le mur
“ Avant nous étions un peuple dans deux états, aujourd’hui nous sommes un état qui a deux peuples “, déclarait Lothar de Maizière, premier et dernier chef de gouvernement élu de RDA. S’il n’est pas certain qu’on puisse parler de “ peuple ” est-allemand, il n’en demeure pas moins que celui-ci, depuis l’unification, ressent la nécessité de se démarquer de l’Ouest, principalement grâce à la réappropriation de ce que la RDA avait cherché à construire.
Par la Cane hardeuse.
Il faut réinventer l’histoire
Bernard Yslaire est le scénariste et dessinateur de la série Sambre, dont Balac fut co-scénariste du premier tome. Cette fresque romantique, qui se déroule en grande partie dans le Paris prérévolutionnaire de 1848, met en scène l'amour contrarié du jeune Bernard Sambre et de Julie, la braconnière aux yeux rouges. Parallèlement, Yslaire travaille sur le projet de XXe ciel.com, qui interroge la mémoire du XXème siècle à travers l'histoire de la psychanalyste Eva Stern et de son frère Franck, photographe. L'œuvre de Bernard Yslaire interroge sans cesse les notions de territoires. Ses séries mêlent ainsi de nombreux champs artistiques et disciplinaires : dessin bien sûr, mais aussi histoire, théâtre, cinéma, psychanalyse, internet… Rencontre avec Bernard Yslaire à propos de l'influence de ces territoires, de leur interpénétration et de leurs frontières.
Entretien réalisé par Le Satrape rôdeur et Mme Patate.
Gens sans terre
L’un des seuls principes stables du peuple Tzigane est celui du voyage. La notion de territoire lui semble inutile, presque abstraite. Pour les Tziganes, cette notion n’a pas de valeur, c’est une notion de Gadge, de blancs, de non-Tziganes. A la différence des Gadge, terme qui s’applique aux “ paysans ”, aux gens du pays, à ceux qui sont attachés à leur terre, les gens du voyage se considèrent historiquement comme la “ race des seigneurs ”, ceux qui sont libres de leurs déplacements. L’attachement contredit leur vie de voyageurs. Le territoire devient même dès lors plus qu’une valeur, pour eux c’est un moyen.
Par Joseph S.
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